MARTINŮ

     

A propos de l’exposition de Danielle Doucet sur Bohuslav Martinů

 

Bruxelles, Centre tchèque le 30 avril 2002

 

 

 

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Lorsque j’ai pris connaissance des tableaux de Danielle Doucet, je me suis mis à rêver, à la manière de Martinů. Celui-ci était un grand rêveur, doux et têtu, un authentique surréaliste, au sens exact du mot. Lui-même aimait la peinture et il aurait pu devenir peintre comme ses amis Zrzavý, Šima ou Diviš. Regardant les toiles qu’il vous a inspirées, son portrait a surgi devant moi et instinctivement s’est opéré dans mon subconscient un véritable et naturel transfert. Son regard est devenu celui de Danielle Doucet et les compositions plastiques de celle-ci le décalque de l’esprit de Bohuslav Martinů. Ce fut chez moi immédiat. Comment expliquer cette capillarité ?

 

 

 

C’est que Danielle Doucet est aussi une surréaliste dans le sens où l’entendent les rêveurs, notamment quand on parle de Martinů. Votre esprit, Danielle Doucet, absorbe les rêves de l’autre car ils sont faits d’une même étoffe, et votre art à l’un comme l’autre concrétise les rêves. Cela explique que le style du peintre et celui du musicien restent indéfinissables, si l’on s’en tient au vocabulaire hasardeux, savamment employé. Leur art n’est ni abstrait ni réaliste, il exprime ce vagabondage de l’esprit en des signes sonores – la musique - et visuels – la peinture - qui en fin de compte se confondent. Rien ne ressemble plus à la sensation du toucher que cette réalité de l’esprit que l’on pourrait croire distante. Là est le secret de l’art qui sait rendre palpable, mieux que l’imitation ou la copie, la vérité secrètement vécue. C’est un surréalisme dont Martinů s’est imprégné à Paris, tempéré par la poésie tendre qui vient d’une enfance bohémienne.

 

 

 

Vous dites que votre inspiration, en l’occurrence, vient de la musique que vous aimez, celle de là-bas, du pays de Dvořák, le tchèque, de Martinů, le tchéco-morave et de Janáček, le morave, surtout celle de leur théâtre. Rien ne nous étonne dans cette rencontre des disciplines. On retrouve, à scruter vos œuvres, Danielle Doucet, cette osmose franco-tchèque et cette illusion théâtrale à laquelle nous ont habituée les artistes tchèques d’entre les deux Guerres et que les mots ne définissent pas. Est-ce bien nécessaire ? Vous nous apprenez votre école et l’on sait aujourd’hui qu’elle peut en cacher une autre.

 

 

 

Voilà ce que m’inspire l’exposition qui s’ouvre devant vous. Vous y goûterez  concrètement – j’insiste sur le mot - les divagations de l’esprit, les vagabondages de la fantaisie et une certaine vérité de l’âme et des sens. Vous y trouverez, au gré des notes de musique répandues par le musicien, à travers, chère Danielle Doucet, vos dessins aventureux et de vos couleurs martinuiennes, voguant sur l’océan des bleus et des roses de la jouissance, et des ors de l’illusion, tous les plaisirs de l’art.

 

 

 

Guy Erismann